Notre quotidien, face à la situation économique ...

Publié le par dcc-6hussenotamada

Nous voilà à Fianarantsoa depuis quelques mois… Dernièrement, nous avons rencontré un couple qui venait passer quatre semaines à Madagascar. Cela a été pour nous l’occasion d’observer un comportement qui nous a surpris …

 

 

La première semaine de leur présence à Fianar, David évitait de sortir dans la rue : il ne supportait pas la misère visible un peu partout. Cela était pour lui une véritable agression.

Nous les avons revus deux semaines plus tard, et sa réaction avait évolué ! Il arrivait désormais à se promener dans la rue, sans se sentir trop mal à l’aise.

 

 

Cette expérience nous a permis de réfléchir et de faire le point sur un thème central dans notre expérience, et dont nous ne nous rendions pas vraiment compte : la manière dont nous appréhendons la misère visible dans la rue …

 

 

-         Tout d’abord, cela nous a renvoyé à l’expérience de Clémentine, extrêmement mal à l’aise à son arrivée. Elle se sentait agressée par ce qu’elle voyait, voire par les personnes qui pouvaient l’apostropher. Cette réaction était d’autant plus sensible à Tananarive, ville autrement plus dure que Fianarantsoa. Après deux semaines, et installée à Fianarantsoa, elle s’est sentie beaucoup mieux ; un peu comme David …

-         Cela nous a aussi renvoyé à ce que nous pouvons pu ressentir nous-même : en nous promenant dans la rue, nous sommes interpellés en permanence par différentes situations. 
Ce peut être des personnes fouillant dans les poubelles, des personnes faisant l’aumône, des personnes avec des handicaps lourds, ou souffrant de pathologies sans aucune prise en charge, des personnes habillées de haillons, des personnes réalisant des tâches très fatigantes pour gagner une misère, de personnes dormant dans la rue, des personnes qui meurent par manque de moyens pour se faire soigner ... Nous ne vous parlons pas de ceux qui marchent pieds nus : ils sont légion !
Cela est devenu notre quotidien et nous parvenons à vivre ainsi.
Pourquoi ? Comment ? Sommes-nous insensibles ?

-         Tout d’abord, nous avons découvert que la pauvreté que nous pouvons percevoir n’est pas toujours à prendre au même niveau que celle que nous pourrions voir en France. Une personne pieds nus peut mener une vie tout à fait normale ici. Le matériel n’a pas la même importance que chez nous, les signes de pauvreté ne sont pas nécessairement les mêmes et la notion de bonheur est construite différemment. Plus particulièrement pour les personnes qui vivent dans la brousse. C’est avoir compris cela qui permet de traverser la ville sans être oppressé. Au milieu de ces personnes, il y en a néanmoins qui vivent vraiment dans la misère.
Ainsi, cela ne signifie pas qu’il faut tout accepter, baisser les bras et ne rien faire ! Il faut rester indigné et agir !

-         Il ne nous semble  pas que l’aumône soit la solution : le nombre de situations qui le nécessiteraient serait ingérable ; à peine a-t-on donné à une personne qu’il en apparaît une autre qui ne comprendrait pas qu’on ne lui donne pas, à elle.
Par ailleurs, l’aumône libère rarement la personne, ou  en tout cas ne la fait pas grandir. Le pays et les gens dépendent énormément, trop,  des aides extérieures.

-         Manon, au bout de quelques jours, constatant toute cette pauvreté, nous a confié son impression que notre action allait être bien inutile … Jamais nous ne pourrons aider toutes ces personnes !

Cela donne tout le sens à la notion de développement, à la notion de travail dans la durée et à nos métiers respectifs : travailler de manière plus collective à améliorer les conditions de vie, et accompagner le développement du pays (pas seulement ou nécessairement en terme économique).

Cela passe par une meilleure éducation (levier préalable à tout espoir que la situation politique puisse s’améliorer). C’est l’action menée par le collège St François Xavier, au sein duquel je travaille.

Cela passe par un système de santé accessible à tous : c’est ce à quoi œuvre le diocèse, par le biais du CDS dans lequel Delphine travaille.

Cela peut passer aussi par des actions politiques internationales, ou des associations s’appuyant sur des contacts locaux avertis (ex : dans notre rubrique : ils construisent un monde meilleur).
Bien des leviers qui oeuvrent peu  à peu à faire grandir le peuple Malgache.

-         Finalement, c’est aussi en acceptant de vivre ici de la manière la plus simple possible que nous comprenons, ou donnons du sens  aux modes de vies que nous pouvons observer. Pour ce qui nous concerne, même si nous vivons autrement plus simplement qu’en France, nous sommes encore bien loin de ce qui est vécu par une majorité ici.
Il peut être facile de ne pas voir, et de nous contenter de vivre dans notre monde, en parallèle de la réalité quotidienne … Nous essayons de ne pas tomber dans ce travers… et de nous laisser toucher par ce que nous voyons…

 

J’ai écrit cet article il y a quelques mois déjà, mais hésitais à le publier. La semaine dernière, un matin  où il faisait froid et où il pleuvait, j’allais au collège à vélo, comme à l’accoutumée. Je passai devant une cabane dans la rue, faite de bois et de plastique. J’entendis un pleur de bébé … et voilà que je suis encore une fois profondément touché par les conditions de vie de certaines familles … C’est révoltant, et cela nous renvoie à notre impuissance à tout changer … et au constat que nous entendons souvent : depuis 2009, la crise économique fait que les situations sont de plus en plus précaires.

 

sourires.jpg 

 

 

 

Pour finir, je souhaite vous partager la capacité des Malgaches à conserver le sourire, et à chercher le contact ...

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P
<br /> Loïc,<br /> <br /> <br /> Bravo pour l'expédition à vélo...le sainté Lyon...en comparaison..."une petite ballade de santé".<br /> <br /> <br /> Vous n' avez plus besoin du Vitto à votre retour<br /> <br /> <br /> Bises<br /> <br /> <br /> Peggy et Gérard<br />
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P
<br /> Quel décalage!!!<br /> <br /> <br /> Ici en France , je suis devant la télé à écouter nos politiciens se bagarrer la place de notre futur président (premier tour des élections oblige...) et en même temps je lis l'article de<br /> Loïc.<br /> <br /> <br /> Sentiment bizarre que notre monde a bien du mal à touner rond.<br /> <br /> <br /> Merci pour ces mots qui nous ramènent les deux pieds sur terre, merci pour ces phrases qui pousse notre réflexion un peu plus loin et bousculent nos petites vies d'européens bien rangés.<br /> <br /> <br /> Respect pour votre engagement.<br /> <br /> <br /> Bravo à l'auteur (et super organisateur d'anniversaire)!!!<br /> <br /> <br /> Toujours beaucoup de plaisir à vous lire et à partager avec vous<br /> <br /> <br /> Bises<br /> <br /> <br /> Peggy <br />
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A
<br /> Merci pour cette analyse, c'est un sujet qui m'intéresse beaucoup.<br /> <br /> <br /> Ce que je trouve aussi de très bien dans votre démarche, c'est qu'en passant 1 an à Madagascar, vous montrez aux gens qui vous entourent là-bas qu'ils comptent pour vous, et c'est très important.<br /> Les liens que vous créez sont si précieux.<br /> <br /> <br /> Amitiés,<br /> <br /> <br /> Alex et Sara..<br />
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G
<br /> Salut Loïc,<br /> <br /> <br /> magnifique cet article et les questions que vous vous poséz nous font d'autant plus réfléchir quand on voit comment ici on jette l'argent par les fenetres et comme on gaspille à tous les niveaux<br /> que ce soit<br /> <br /> <br /> Bravo et bon courage<br /> <br /> <br /> Gaston<br />
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